Les leçons à tirer de la religion sikh

Carte du Punjab (parfois orthographié Penjab, Pendjab, ou Panjab)

Petit rappel pour mes lecteurs les moins assidus : je suis partie le 14 août dernier à la visite de Chandigarh et Amritsar où, en plus de me régaler de la bonne bouffe Punjabi, j’ai mis mon voyage de quelques jours à profit pour en apprendre un peu plus sur la religion sikh. C’est en effet la religion majoritaire dans cet Etat indien de presque 25 millions d’habitants.

 

La religion sikh pour les nuls ou l’art de reconnaitre un Sikh dans la rue

La religion sikh a été fondée autour du 15ème siècle au Punjab (tiens donc!) par le Guru Nanak. Bien qu’ayant certains points communs avec l’Hindouisme, comme la croyance en la réincarnation, le Sikhisme rejette radicalement le modèle de société hiérarchisée par des castes proposé par celle-ci. Les Sikhs promeuvent en effet l’égalité entre tous les êtres. De beaux idéaux qui sont mis en pratique, comme vous le montrera la suite de cet article. Mais avant, penchons-nous sur les cinq caractéristiques, édictées par le dixième Guru, Govind Singh, au 17ème siècle, qui permettent de reconnaître un Sikh dans la rue :

Les Sikhs ne sont pas supposés se couper les cheveux et les poils (y compris la barbe) de toute leur vie, car ce sont des symboles de leur sainteté. Ainsi, ils portent des turbans pour ranger un peu cette encombrante chevelure (même si, de nos jours, la majorité d’entre eux fait régulièrement un tour chez le coiffeur).
– Mais ils portent quand même un peigne dans leur chevelure pour signifier un certain ordre
Ils ont toujours sur eux un poignard ou un sabre, car ce sont des soldats qui se doivent d’être forts et dignes. Pour l’anecdote, cette obligation religieuse se révèle être un casse-tête pour la sécurité, notamment dans les aéroports où il n’est pas du plus bel effet d’embarquer une arme blanche en cabine.
Un bracelet en argent ou acier sera du plus bel effet pour représenter le courage
– Et enfin, mais c’est moins évident à constater au premier abord, il existe un impératif sur les sous-vêtements, à savoir que les Sikhs doivent porter un caleçon court.

Ainsi, au Punjab, la moitié des hommes portent un turban, et il y en a de toutes les couleurs ! Anecdote marrante tant qu’on y est : la plupart des Sikhs portent le même nom de famille « Singh » qui signifie lion. Plutôt cool mais pas très pratique pour l’administration…

Turbans dans les rues d’Amritsar

Des révoltes, des meurtres et des retournements de situation

L’histoire de la religion sikh a été particulièrement marquée par un événement sanglant qui eut lieu dans les années 1980. Evidemment, comme pour toutes les religions, des persécutions eurent lieu à son encontre bien avant, mais cet épisode est digne d’un roman. A partir de 1982, la lutte des Sikhs pour un Etat du Punjab indépendant, renommé le Khalistan, atteint une ampleur inégalée. Quand on sait que le Punjab est l’une des régions les plus riches/fertiles de l’Inde, on conçoit un peu le problème que ça a pu poser aux autorités de l’époque, notamment la première ministre de l’époque, Indira Gandhi, qui n’était pas du genre à se laisser contrarier. Du coup, en 1984, elle a envoyé l’armée indienne massacrer quelques centaines de Sikhs (voire quelques milliers) qui s’étaient réfugiés au coeur du lieu le plus sacré de leur religion : le Temple d’or (Golden Temple – en Penjabi : Harmandir Sahib), qui se trouve à Amritsar.

Sikhs se baignant dans le bassin sacré (Amrit Sarovar) du Temple, qui donne son nom à la ville d’Amritsar.

Temple d’or dans le soleil couchant

Il y a juste un truc qu’Indira Gandhi n’aurait peut-être pas du négliger : ses deux gardes du corps étaient Sikhs. Dans l’absolu, c’est plutôt une bonne idée d’avoir des gardes du corps Sikhs vu qu’ils ont toujours un poignard sur eux. Mais dans ces circonstances, ça ne lui a pas été franchement favorable, étant donné qu’elle a été assassinée par eux quelques mois après l’attaque contre le Temple d’or. Je passe sur les tensions entre Sikhs et Hindous qui ont suivi, mais on peut compter quelques milliers de morts en plus…

Comment mon voyage m’a permis de comprendre concrètement quelques principes du sikhisme

Après ces longues digressions historiques, il est temps de revenir à mes aventures palpitantes à Amritsar. Car après la théorie vient la pratique. En feuilletant les guides du Routard et du Lonely Planet, nous avons vu qu’il était possible de dormir dans les dortoirs du temple ainsi que de manger gratuitement dans la cantine. Après deux nuits d’hôtel à proximité, nous avons voulu tester.

Le repas, servi par terre : riz au cumin, dal (soupe de lentilles), chapatis (pain). Et légumes (pas sur la photo). Des petites variantes chaque jour.

Ce qui est remarquable, c’est que des gens de toutes les classes sociales, de toutes les religions et de toutes les origines partagent le même repas assis par terre dans une immense salle. Assez rare en Inde pour être souligné. Contrairement à beaucoup d’autres religions, où de la nourriture est gratuitement distribuée aux plus pauvres (Secours Catholique), il s’agit ici de nourrir gratuitement des milliers et des milliers de personnes quelles qu’elles soient, pour faire valoir le principe d’égalité dont je vous parlais au début de l’article. De même, leur nourriture sacrée, la parchad, est distribuée à tous. Du coup j’en ai mangé : c’est bon et sucré (léger goût de noisettes et de miel, fort appréciable). Je comparerais bien avec l’hostie mais je n’ai jamais pu en goûter…

Du coup, les bénévoles mettent le turbo en cuisine. Un ballet impressionnant.

Quant aux endroits pour dormir gratuitement, c’est là encore assez impressionnant : une immense cour dans laquelle dorment, à même le sol, les Indiens et des salles de bain communes (non mixtes bien sûr). Pour les « voyageurs » (les touristes), ce sont quelques pièces dans lesquelles ont été installés des lits en bois (pas très confortables mais on s’y fait), des placards pour déposer les sacs. Des gentils Sikhs surveillent les entrées et sorties et répartissent au mieux les touristes (on a quand même dormi à 5 dans 3 lits mais ça aurait pu être pire).

L’entrée du couloir menant au dortoir.

Cela implique de vivre pieds nus et voilé, mais franchement, ça en vaut la peine.